La Fédération internationale de tennis (ITF), réunie jeudi dernier à Orlando en Floride, a obtenu le nombre de votes nécessaire (71,43% des votes des 120 délégués présents, soit plus de la majorité des deux tiers) pour réformer la Coupe Davis, mettant ainsi un terme à la compétition dans sa formule actuelle. L’épreuve va faire l’objet d’une refonte en profondeur dans l’espoir de raviver un événement qui, au fil des ans, a perdu une partie de son lustre. Créée en 1900 par Dwight Davis, la Coupe Davis subit là un véritable bouleversement, voulu par le président de l’ITF, David Haggerty.
« Le Luxembourg n’était pas présent à ce vote » nous explique Claude Lamberty, le président de la Fédération luxembourgeoise de tennis, « Le système de vote assez particulier de l’ITF ne donne quasiment aucun poids à des petits pays comme le nôtre. Ce sont principalement les 4 pays organisateurs des épreuves du Grand Chelem (L’Australie, la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne) ainsi que l’Allemagne qui font la pluie et le beau temps. Concernant cette modification radicale de la Coupe Davis, je pense qu’il fallait faire quelque chose pour sauver cette compétition et lui redonner un peu d’attrait. On sentait depuis quelques années une perte réelle d’intérêt et les grandes vedettes du tennis mondial brillaient souvent par leur absence. Cela étant dit, je ne suis pas convaincu qu’il fallait aller aussi loin dans le changement. Une réforme plus modérée aurait probablement été opportune. Il faut maintenant laisser sa chance à ce projet qui ne changera de toutes façons pas grand-chose pour notre équipe nationale. »
Dès l’an prochain, la Coupe Davis se déroulera en deux temps. 24 pays prendront d’abord part à un tournoi de qualification au mois de février 2019 et les 12 nations gagnantes obtiendront leur billet pour la grande finale. Les quatre demi-finalistes de l’année précédente seront automatiquement qualifiés, tout comme deux pays qui se verront attribuer des invitations.
Le tournoi final rassemblera donc, au mois de novembre 2019, 18 nations qui se disputeront le fameux saladier d’argent. Les participants seront répartis en 6 poules de 3, puis les 8 qualifiés (les six premiers de chaque poule plus les deux meilleurs deuxièmes) s’affronteront ensuite lors de matches à élimination directe, chaque duel étant constitué de deux simples et d’un double disputés au meilleur des trois sets.
La première édition de cette nouvelle mouture se déroulera à Madrid (en Espagne) ou à Lille (en France) du 18 au 24 novembre 2019. Cette formule a été développée par l’ITF en collaboration avec le groupe d’investissement Kosmos, créé par le footballeur Gerard Piqué et le milliardaire Hiroshi Mikitani, PDG du groupe japonais Rakuten.
Kosmos s’est engagé pour un partenariat avec la Fédération internationale de tennis de 2,5 milliards d’euros sur vingt-cinq ans. Excusez du peu. Le joueur du Barça pense que le nouveau format redonnera à l’événement la visibilité qu’il mérite. « Il s’agit du début d’une nouvelle ère qui assure à la Coupe Davis la place qui lui revient en tant que compétition réservée aux équipes nationales, tout en s’ajustant aux nouvelles exigences du sport professionnel au plus haut niveau », a déclaré Piqué.
L’ITF espère en tout cas que cet électrochoc rendra la Coupe Davis plus attrayante pour les meilleurs joueurs du monde, ces derniers ayant souvent délaissé l’épreuve à cause d’un planning trop chargé. Depuis cette annonce, les critiques se multiplient à vitesse grand V et cette nouvelle formule a été immédiatement critiquée par de nombreux amoureux de la petite balle jaune.
Chez nos voisins belges et gaulois, la colère gronde. Les joueurs français, triples vainqueurs de l’épreuve et encore en lice pour remporter le dernier Saladier d’Argent sous son format actuel, sont furieux et le font savoir. Plusieurs d’entre eux ont fait part de leur exaspération sur Twitter. Yannick Noah, capitaine emblématique du tennis hexagonal et ancien vainqueur de Roland Garros fulmine : « Leur décision est scandaleuse, c’est la fin de la Coupe Davis a-t-il lancé. Je n’arrive pas à comprendre l’intérêt d’aller jouer une compétition sur une semaine à l’autre bout du monde. Il y en a plein, des tournois comme ça. Partout dans le monde. La Coupe Davis c’était particulier, c’était autre chose, il y avait presque un aspect social. » Le Belge Steve Darcis n’est pas en reste : « Pour moi, la Coupe Davis est morte. Ce sera une autre compétition. La nouvelle formule n’a plus rien à voir avec l’esprit de la Coupe Davis. Le monde d’aujourd’hui est piloté par l’argent. Le tennis ne fait pas exception»
On ne peut s’empêcher d’être quelque peu perplexe sur cette profonde métamorphose de la vieille Dame centenaire qu’est la Coupe Davis. De nombreux joueurs risquent en tout cas de boycotter l’épreuve et la proximité de la nouvelle épreuve de l’ATP appelée WorldTeam Cup, qui doit débuter en janvier 2020, risque de créer une réelle confusion entre les deux tournois. Lucas Pouille, le n°1 tricolore, s’est dit prêt à boycotter le nouveau tournoi. « Si c’est pour jouer la Coupe Davis la dernière semaine de novembre et la World Team Cup le 1er janvier, deux tournois qui seront exactement les mêmes, je n’y trouve aucun intérêt » a-t-il déclaré. « Ma décision est arrêtée, je n’y participerai pas. Pour moi, la Coupe Davis, ça ne se joue pas sur une semaine. »
Même le roi Roger a manifesté son inquiétude sur l’abandon de l’ancienne formule. « Je me sens triste de ne plus avoir la Coupe Davis comme elle était avant. Cela ne sera jamais pareil pour la génération suivante », a lancé Federer en marge du tournoi de Cincinnati. «J’espère simplement que chaque centime sera utilisé pour la génération suivante », a ajouté le Suisse en référence au contrat de 2,5 milliards d’euros signé avec la société de Piqué. « L’ITF n’a jamais impliqué les joueurs dans ce projet. Il a des failles sur plusieurs points. Mais je suis pour l’innovation, et je vais leur donner une chance dans une certaine mesure », a ajouté le joueur de 37 ans, vainqueur de l’édition 2014 mais qui n’a rejoué qu’une seule fois en Coupe Davis depuis cette date.
Seul l’ancien n°1 mondial Novak Djokovic semble satisfait du scénario voulu par l’ITF : « Le changement était inévitable, je suis vraiment content que les gens de l’ITF aient compris l’urgence du changement de format et du calendrier. Cela n’allait pas, surtout pour les meilleurs joueurs », a déclaré le Serbe.