Sinon une filiation, une inspiration. Bob Jungels n’était encore qu’un ado à acné juvénile lorsque Kim Kirchen avait décoché une Flèche victorieuse, au sommet du Mur de Huy (2008), ou quand Andy Schleck s’était fait la belle dans la Roche-aux-Faucons pour s’en aller embrasser la Doyenne, en surplomb d’Ans (2009). Mais les exploits réussis par cette exceptionnelle génération grand-ducale ont nourri la passion pédalante du natif de Rollingen, qui a ouvert son parcours initiatique dans le peloton professionnel, sous les maillots Radioshack et Trek, au moment où la famille Schleck perdait du braquet.

A 25 ans, l’octuple champion du Luxembourg (quatre titres en ligne + quatre autres titres en contre-la-montre) a pris une tout autre dimension dans l’histoire du sport grand-ducal en remportant Liège-Bastogne-Liège, en solitaire, poussé dans le dos par le vent de folie enveloppant son équipe Quick-Step depuis les premiers souffles de la saison (27 victoires, une razzia dans les classiques du printemps, sur tous les terrains, pavés ou escarpés). « La veille de la course, je m’étais délecté des reportages consacrés aux succès de mon équipier Philippe Gilbert (2011) ou de mon compatriote Andy… » souriait-il, alors que son équipier et compagnon de chambrée à l’hôtel « La Hutte aux Bois » (repaire de son équipe durant les Ardennaises), Julian Alaphilippe, l’enserrait avec force.

Surtout, par ce dimanche à la touffeur estivale, Bob Jungels s’est ouvert le champ des possibles, il a considérablement élargi des espaces de conquêtes.

En rejoignant l’équipe de Patrick Lefevere en 2016, ce grand gaillard de 188 centimètres sous toise claire et sourire lumineux, au talent précoce décelé dès l’école primaire par un certain Lucien Didier (ancien équipier de Bernard Hinault, pour rappel), a fait des grands tours son objectif maître.

Lui, le rouleur indécrottable, champion du monde du chrono chez les juniors (2010), médaillé d’or aux Jeux des petits Etats (2011), sacré avec Quick-Step au Mondial du CLM par équipe (2016), s’est ainsi convaincu qu’il pouvait briller du même métal sur les grands tours, sur ces épreuves de longue haleine où la faculté de récupération est plus importante encore que le talent intrinsèque. A preuve : en deux éditions du Giro (2016-2017), Bob a porté le maillot rose huit jours durant (3+5), terminant 6e puis 8e à Milan en ajoutant à ce tableau lumineux un succès d’étape, à Bergame. De quoi l’inscrire dans la lignée de Charly Gaul, le convaincre de ses capacités athlétiques au fil de trois semaines de souffrance, et le muer en leader du team Quick-Step au départ du prochain Tour de France, trois ans après une découverte (alors sous la tunique Trek Factory).

Mais au sein de la « blue army », on s’échange volontiers les galons et les ordres de mission. Les leaders d’un jour deviennent les capitaines de route du lendemain, les équipiers de luxe du surlendemain. L’hyperspécialisation n’existe pas, Patrick Lefevere préfère entretenir la polyvalence au sein d’un groupe au credo unique, inoxydable : la gagne. La victoire par et pour l’équipe. Une culture savamment entretenue et défendue depuis près de vingt ans par le manager flandrien, enthousiaste à l’idée de pouvoir coacher une nouvelle génération aux talents polymorphes (Jungels, Alaphilippe, Gaviria, Mas, …).

Sacré rouleur, grimpeur affiné, Bob Jungels est donc désormais aussi chasseur de classiques. N’avait-il pas dominé Paris-Roubaix parmi les espoirs (2012), avant d’inscrire la doyenne des classiques sur son palmarès ?

 

2018-04-22 Liege Bastogne Liege Bob Jungels

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